Louange à Dieu seul
Grand Sceau de Sa Majesté Mohammed VI

Notre dévoué serviteur et Premier Ministre, Monsieur Abderrahmane Youssoufi, que Dieu te protège et sur la bonne voie guide tes pas,

1. ainsi que tu le sais, nous avons exprimé, à plusieurs reprises, notre volonté de promouvoir l’investissement, notamment les projets des petites et moyennes entreprises, de l’artisanat, du tourisme, de l’habitat, des secteurs industriels et agro-industriels, et miniers qui sont créateurs d’emplois et de richesses, promoteurs de développement et facteurs du renforcement des capacités productives et d’épargne de notre jeunesse et des couches moyennes qui ambitionnent légitimement d’accéder à plus de progrès, de responsabilité et d’épanouissement.

1.1 Ainsi, nous avions précisé dans le discours que nous avions prononcé à l’occasion de l’ouverture de la session parlementaire au mois d’octobre 2000, l’intérêt de créer un guichet unique au niveau de chaque région… et de fixer un délai raisonnable et rapproché… pour statuer sur les dossiers des projets d’investissement.

1.2 En effet, notre attention a souvent été appelée sur les difficultés que rencontrent les promoteurs en raison des formalités nombreuses et complexes exigées pur la constitution de sociétés ou d’entreprises individuelles et l’aboutissement des procédures administratives nécessaires à l’acte d’investir.

1.3 Ces procédures légales ou réglementaires sont souvent nécessaires, car la liberté d’entreprendre -consacrée par la Constitution- exige un cadre juridique contraignant, seul à même de rassurer l’investisseur et de garantir la sécurité et l’égalité de tous devant la loi, ainsi que la mise en jeu d’une concurrence saine et loyale. Néanmoins, ces procédures doivent être allégées et leur mise en œuvre doit s’effectuer au plus près des investisseurs.

1.4 A cette fin, et dans le respect d’une démarche progressive, réaliste, prenant en considération l’absolue nécessité de ne proposer que des réformes crédibles et efficaces, nous estimons que le cadre régional peut être la dimension territoriale et administrative la plus opportune, compte tenu des moyens dont dispose actuellement notre administration territoriale, pour résoudre les problèmes liés aux procédures d’investissement.

2. Cette démarche s’inscrit, par ailleurs, dans la cohérence de notre conception renouvelée du concept d’autorité au service de la promotion de l’investissement, outil privilégié de la croissance.

2.1 Depuis que nous avons annoncé ce nouveau concept, nous avons relevé avec intérêt les efforts de notre administration, et tout particulièrement, celle en charge des affaires intérieures de notre Royaume, pour donner un contenu concret à ce concept.

2.2 Il nous appartient et nous plaît aujourd’hui, par la grâce de Dieu, de t’adresser cette lettre aux fins d’étendre et de concrétiser, dans un domaine essentiel du développement économique et social, notre vision du rôle de l’autorité au service du citoyen.

2.3 Nous entendons également que l’approche que nous décrivons dans cette lettre soit considérée comme une illustration des méthodes de réforme de l’administration, réforme qui suppose une appréciation nouvelle des objectifs que doit poursuivre l’appareil administratif, concomitamment avec une réforme des procédures qu’il utilise et une adaptation des formations et des expériences de ceux qui sont en charge de ses procédures.

3. Pour ces considérations, nous avons décidé qu’il sera créé, sous la responsabilité des walis de région de Notre Majesté, des centres régionaux d’investissement, ayant deux fonctions essentielles : l’aide à la création d’entreprises et l’aide aux investisseurs, et donc composés de deux guichets.

3.1 Le guichet d’aide à la création d’entreprises est l’interlocuteur unique de toutes les personnes qui veulent créer une entreprise, quelle qu’en soit la forme, et qui souhaiteront avoir recours à ce service. Ce guichet pourra disposer d’annexes au niveau provincial, préfectoral ou communal, selon besoins et selon moyens. Son personnel met à la disposition des demandeurs un formulaire unique dans lequel figurent tous les renseignements exigés par la législation ou la réglementation pour la création de l’entreprise.

3.1.1 Ce personnel accomplit toutes les démarches nécessaires pour recueillir, auprès des administrations compétentes, les documents ou attestations exigés par la législation ou la réglementation, et qui sont nécessaires à la création d’une société. Dans un délai déterminé par le wali, il met le demandeur en possession des pièces justificatives délivrées par les administrations établissant l’existence de l’entreprise.

3.2. Le second guichet, guichet d’aide aux investisseurs: – procure aux investisseurs toutes les informations utiles pour l’investissement régional – étudie toutes les demandes d’autorisations administratives ou prépare tous les actes administratifs, nécessaires à la réalisation des projets d’investissement dans des secteurs industriels, agro-industriels, miniers, touristiques, artisanaux et d’habitat, lorsqu’il s’agit d’investissements dont le montant est inférieur à 200 millions de dh, et ce, afin de permettre au wali de région de délivrer les autorisations ou de signer les actes administratifs afférents à ces investissements – étudie -pour les investissements concernés par les secteurs précités, mais dont le montant est égal ou supérieur à 200 millions de dh- les projets de contrats ou de conventions à conclure avec l’Etat, en vue de faire bénéficier l’investisseur des avantages particuliers, et les transmet à l’autorité gouvernementale compétente pour approbation et signature par les parties contractantes.

Le wali, dans la limite de ses compétences, prépare et exécute les autorisations, actes et contrats nécessaires à la réalisation de l’investissement, prévus par la convention dont il est chargé de l’exécution – propose des solutions amiables aux différends entre les investisseurs et les administrations.

3.2.1. Les études sont menées dans le respect des lois et règlements qui régissent la matière, par les délégués régionaux des départements ministériels compétents qui rendent compte au wali de l’exercice de leurs compétences.

3.2.2. Le Centre régional d’investissements, placé sous l’autorité du wali, qui constitue l’administration territoriale interlocutrice privilégiée pour les investisseurs, doit être géré par un haut fonctionnaire dont le grade doit être en relation avec le niveau de ses responsabilités. C’est pourquoi nous avons décidé qu’il serait nommé par Notre Majesté, choisi pour ses compétences dans le domaine concerné, ainsi que pour ses qualités humaines, et doté du statut de directeur d’administration centrale.

3.2.3. Ce directeur animera et dirigera une commission régionale regroupant les délégués régionaux des administrations concernées par l’investissement et les autorités locales compétentes. Il sera assisté par un personnel doté d’un statut particulier motivant.

3.2.4. Nous ordonnons, par ailleurs, que les commissions nationales dont l’avis est requis pour certaines opérations foncières, soient transférées au niveau régional, notamment la commission chargée de l’étude de déclaration de vocation non agricole des terrains et celle relative à la protection des zones du littoral et zones sensibles, et placées sous l’autorité du wali ou du gouverneur, son délégataire.

3.2.5. Nous souhaitons, en outre, que l’aménagement et la gestion des zones industrielles, touristiques et d’habitat soient confiées à des personnes privées agréées par l’Etat, qui joueront à l’égard de l’investisseur le rôle de guichet unique pour la zone concernée.

3.3. Nous invitons notre gouvernement à préparer une refonte des représentations régionales des administrations centrales, visant l’économie des structures et leur rapprochement pour plus de synergie et de cohérence, et à étudier un statut du personnel territorial et veiller à ce qu’il soit motivant et de nature à encourager les éléments les plus brillants de notre administration à faire le choix d’une carrière dans les régions du Royaume et non seulement dans les administrations centrales.

3.4. Afin de permettre au wali d’apprécier les moyens dont il dispose pour que l’ouverture du centre régional puisse être suivie d’effets immédiats, cette ouverture sera décidée par arrêt conjoint des ministres de l’Intérieur, des Finances, du Commerce et de l’Industrie, sur proposition du wali de la région concernée.

3.5. Le wali de la région est chargé de l’organisation et du fonctionnement du centre, ainsi que de la création, de l’organisation et du fonctionnement des guichets d’aide à la création des entreprises dans les provinces, préfectures ou communes de la région.

3.6. La mise en œuvre des mesures que nous avons ordonnées exige que les walis de région de Notre Majesté soient dotés des prérogatives légales et réglementaires nécessaires pour prendre, aux lieu et place des membres du gouvernement compétents, les actes administratifs nécessaires à la réalisation des investissements.

3.6.1 Afin de permettre aux walis de région de mettre en œuvre les procédures nécessaires à la réalisation des investissements dans les secteurs et pour le montant visés au point

3.2. de la présente lettre, les membres de notre gouvernement et les hauts fonctionnaires de notre administration centrale doivent investir les walis des régions, des compétences nécessaires pour conclure ou édicter, au nom de l’Etat, les actes suivants :

– les contrats de vente ou de location concernant les immeubles du domaine privé de l’Etat – les actes d’autorisation d’occupation du domaine public et du domaine forestier – les autorisations d’installation ou d’exploitation des activités industrielles, agro-industrielles et minières

– les autorisations d’ouverture et d’exploitation des établissements touristiques, le classement et le contrôle desdits établissements, la délivrance des diverses licences ou autorisations particulières nécessaires à l’exploitation de ces établissements.

3.6.2. D’autre part, afin d’assouplir les procédures de contrôle des actes des collectivités locales, notre ministre de l’Intérieur déléguera aux walis de région les pouvoirs de tutelle qu’il exerce pour les actes suivants :

– les actes d’approbation des délibérations des organes délibérants des collectivités locales pour les marchés et les conventions passés par les collectivités locales, lorsque leur montant ne dépasse pas 10 millions de dhs – les actes d’approbation des décisions de transfert de crédit d’une rubrique à une autre, à l’intérieur du budget des collectivités

– les actes d’approbation des délibérations des organes délibérants des collectivités locales, pour les actes d’acquisition et de cession de terrains des collectivités locales.

3.6.3. En outre, nous habilitons les walis à recevoir délégation de pouvoirs des autorités gouvernementales concernées pour prendre toutes décisions nécessaires à la réalisation des investissements dont les critères ne répondent pas à ceux prévus au point 3.2. de la présente Lettre Royale.

3.7. Tous les arrêtés prévus aux alinéas précédents sont visés par le Premier ministre et publiés au Bulletin Officiel. Ils prennent effet à l’égard de la région concernée des publication au Bulletin Officiel de l’arrêté conjoint décidant de l’ouverture du Centre régional.

Dans cette attente, les pouvoirs délégués continuent d’être exercés par les autorités gouvernementales délégantes.

3.7.1. En tout état de cause, les arrêtés de délégation de pouvoirs devront être publiés au Bulletin officiel, au plus tard dans un délai de 45 jours suivant la date de publication au Bulletin officiel de la présente lettre. 3.7.1.1. Les arrêtés portant délégation de pouvoirs préciseront les modalités dans lesquelles s’exercera la délégation, en particulier le contenu et la périodicité des rapports que devront adresser les walis de région au Premier ministre et aux ministres délégants.

3.8. Les décisions des walis, prises en application de la présente Lettre Royale, peuvent faire l’objet de recours gracieux ou hiérarchiques devant la commission des investissements présidée par le Premier ministre, ou devant les commissions spécifiques instituées par des législations ou des réglementations particulières.

3.9. Auprès des walis, la responsabilité de nos gouverneurs dans l’application de cette nouvelle politique reste entière, et est appelée à se renforcer. Nous souhaitons, à cet effet, que les gouverneurs de Notre Majesté participent pleinement à la mise en œuvre de cette politique de déconcentration et préparent les structures nécessaires à l’exercice, aux niveaux provincial et préfectoral, des compétences qui s’exerceront, dans une première phase, au niveau régional.

3.9.1. Notre ministre de l’Intérieur précisera les matières dans lesquelles les walis de région peuvent déléguer, aux gouverneurs des provinces et préfectures, partie des compétences dont ils sont investis par la présente lettre, ainsi que les formes et les conditions de cette délégation.

4. Nous avons la conviction que les collectivités locales doivent devenir un acteur majeur du processus de développement économique et social durable du territoire et qu’il convient, à cette fin, de les doter des instruments juridiques et financiers nécessaires pour leur permettre de remplir cette mission d’une manière plus efficace.

Nous invitons, à cette fin, le parlement à procéder à une lecture approfondie du projet de loi relatif à la charte communale et, en parfaite collaboration avec le gouvernement, à l’enrichir par les dispositions de nature à donner aux collectivités locales une responsabilité réelle dans la conception et la réalisation des programmes de développement économique de la collectivité. Il conviendra, par ailleurs, d’étudier une révision de la fiscalité des collectivités locales afin de la simplifier et de la rendre plus productive.

4.1. Toutefois, et afin que cet ensemble demeure cohérent, il importe que les responsables de ces collectivités exercent leurs responsabilités dans le strict respect de la loi et des règlements. En particulier, il est nécessaire de rappeler que les présidents des conseils communaux, sont tenus non seulement d’exécuter les décisions des conseils, mais également d’appliquer les lois qu’ils exécutent en leur qualité d’autorité administrative locale que nous investissons dans leurs fonctions par dahir.

4.1.1. Aussi, nos gouverneurs doivent-ils veiller à ce que les autorités locales compétentes, agissant en qualité de représentant de l’Etat, délivrent, dans les délais prescrits par la loi ou la réglementation en vigueur, les autorisations nécessaires à la réalisation des investissements, en particulier, les autorisations de lotir, de construire et les permis d’habiter.

4.1.2. Lorsque les gouverneurs relèvent des retards dans la délivrance des autorisations, et lorsque ces retards sont imputables aux autorités en cause, ils les mettent en demeure de se conformer à la loi ou à la réglementation en vigueur dans un délai qu’ils fixent. Si le retard persiste, ils en informent les walis de région et mettent en oeuvre le pouvoir de substitution que leur reconnaît la charte communale, et dont les modalités d’application seront précisées par la voie réglementaire sur proposition du ministre de l’Intérieur de notre gouvernement.

4.1.3. De même, les walis doivent attirer l’attention des gouverneurs des provinces et préfectures concernés, lorsqu’ils constatent que les autorités locales refusent ou négligent de prendre les mesures prévues par la loi ou les règlements dans les délais prescrits. Ils enjoignent, en tant que de besoin, aux gouverneurs, d’exercer le pouvoir de substitution. Notre Premier ministre, que Dieu te protège,

5. La réforme de certaines procédures relatives à la constitution des sociétés commerciales implique la révision des textes législatifs qui régissent la matière. Nous souhaitons que notre gouvernement étudie rapidement les projets de lois y afférents afin de permettre au parlement de s’en saisir dans les meilleurs délais.

5.1. Il conviendra également de poursuivre l’effort de modernisation de l’administration de la justice, et de réviser les procédures de règlement amiable des différends entre les commerçants afin de leur permettre de recourir plus souvent à l’arbitrage.

5.2. Dans le même ordre d’idées, il y a lieu de procéder à une étude approfondie sur les causes qui entravent le fonctionnement des Chambres professionnelles, Institutions constitutionnelles, dont le rôle de représentation des forces économiques et sociales, ne doit pas occulter la mission d’intermédiation professionnelle et les services d’aide et d’assistance qu’elles doivent à leurs membres. Notre dévoué Premier ministre,

6. Ainsi que tu le sais, depuis que l’Etat a mis en œuvre une politique de privatisation qui renforce sa volonté de privilégier le rôle du secteur privé dans le développement économique et social, il s’est attaché à mettre en place un cadre juridique qui favorise l’investissement privé. Les mesures prévues dans cette lettre viennent le conforter.

6.1. Il demeure toutefois évident que ces mesures ne peuvent produire l’effet attendu que si les mécanismes institutionnels du secteur privé se mobilisent pour en faire pleinement profiter les investisseurs.

6.2. Nous sommes convaincu que les institutions privées, en particulier celles responsables de la collecte de l’épargne et de son allocation auprès des agents économiques, sauront tirer tout le parti possible des réformes entreprises, en accompagnant, comme il convient, la créativité et les ambitions des investisseurs, en particulier les jeunes entrepreneurs et les petites et moyennes entreprises.

7. Nous sommes conscient que les réformes que doivent mettre en œuvre notre gouvernement, nos walis, nos gouverneurs et les présidents des conseils communaux pour l’application de la présente Lettre Royale, exigent vigilance et détermination.

Aussi, estimons-nous nécessaire de prévoir la constitution d’une commission chargée de préparer les mesures de toute nature, nécessaires à la mise en œuvre de cette réforme et d’en suivre l’application.

8. Sous l’autorité de notre Premier ministre, cette commission sera composée des membres du gouvernement directement concernés par les mesures à mettre en œuvre, et des conseillers de Notre Majesté que nous désignerons à cette fin.

9. Nous sommes convaincu que cette commission nous informera périodiquement du bon déroulement de ses travaux et de la mise en œuvre rapide des réformes contenues dans la présente Lettre.

10. Elle devra également proposer à Notre Majesté l’extension des compétences pouvant être déléguées aux walis au fur et à mesure de la mise à leur disposition des moyens nécessaires à cette déconcentration et, sous la même réserve, le transfert des compétences des walis de région vers les gouverneurs des provinces et préfectures.

11. Nous sommes convaincu, connaissant ton attachement à l’application scrupuleuse de nos hautes directives, que tu n’épargneras aucun effort pour œuvrer, de concert avec les membres du gouvernement de Notre Majesté, pour que les nobles desseins exprimés dans cette lettre soient concrétisés dans les meilleurs délais.

En te renouvelant l’expression de notre bénédiction, nous prions Dieu, le Tout-Puissant, de t’accorder davantage de succès et de continuer à te guider sur la bonne voie. Que le salut et la bénédiction de Dieu soient sur toi.

Fait au Palais Royal à Casablanca le 24 chaoual 1422 (9 janvier 2002)